Je ne suis pas à l’aise avec ce genre de billet. Sans doute parce qu’il découle d’un évènement que je viens de vivre… et que j’écris d’habitude sans avoir un réel sujet tout tracé. Comprenez que je me sens comme lors de mon bac de français, devant le sujet imposé de la dissertation… j’ai la main qui n’attend qu’une chose, faire son boulot de rédactrice… mais mon cerveau bloque, perd de sa spontanéïté… il ne sait pas si il doit être cadré ou si il peut dire ce qui lui vient brut de décoffrage… il se tâte…

Je ne suis pas une femme qui se tâte… bah non…

Alors je lâche prise et je laisse aller mon impulsion. Je ne sais pas faire autrement.

Je suis heureuse. Oui. Vous dire le contraire serait mentir et ça non plus je ne sais pas le faire. J’ai commencé à écrire ce blog dans un but très personnel, pour panser mes plaies. Pour mettre en mots ma souffrance. Celle que j’ai eu enfant. Pour me prouver à moi-même que je suis quelqu’un de « bien ». Car je n’en ai jamais été certaine. J’entends par là quelqu’un « d’aimable », qui puisse susciter l’affection… qui mérite qu’on s’arrête pour la lire. A défaut de l’écouter. Ca faisait des années que j’évoluais dans un cercle familial et amical sans que personne ne sache rien sur moi. Je ne pouvais plus faire semblant d’être celle que je ne suis pas… à savoir, quelqu’un qui n’a jamais rien à dire. Pour qui tout a toujours été facile… simple, évident…

J’ai attendu des années avant de sortir tout ça de moi-même. J’ai eu le temps de le rédiger mille fois dans ma tête. C’est sans doute pour cela que certains trouvent ma narration assez précise… claire… j’ai eu le temps, de tout rabâcher dans ma tête… tellement de temps…

Je n’ai aucun mérite. J’ai tout stocké pendant des années…

J’ai d’abord écrit pour deux de mes filles, Manon et Zoé. Pour partager mon vécu et aller vers d’autres parents qui vivent la même chose que moi. J’ai été plus que comblée. J’ai senti que je n’étais pas seule. Que je pouvais même apporter de l’espoir. Ce fut une révélation, un bonheur. Mon mari a vu le changement que cela opérait sur ma personnalité. Il m’a encouragée à me consacrer un peu de place… sur un blog rien que pour moi… je lui ai dit que je ne savais pas si c’était une bonne idée. Que j’étais capable du pire comme du meilleur. Que j’avais des choses à dire qui pouvaient choquer. Me remettre dans un contexte difficile, était-ce une si bonne idée???…. je ne voulais pas plonger de nouveau. J’avais mis tant d’années à sortir la tête de l’eau… je savais que je n’avais plus la force de retomber dans le fond… et de taper fort du talon pour remonter…

Je ne suis pas une femme à l’aise en informatique. C’est quelque chose pour moi de pratique. Avant tout. J’y faisais mes comptes, j’y consultais des sîtes. J’utilisais ma messagerie avec mes proches. Cela n’allait pas plus loin… Quand j’ai commencé à bloguer, je n’ai pas évalué ce que je faisais… j’ai écrit, avec un bonheur visible et une inspiration que je ne me connaissais pas… puis certains sont venus me lire, puis d’autres… et là j’ai compris ce que j’avais mis en place… j’ai eu peur… j’ai commencé par me demander si c’était raisonnable de ne pas me censurer… d’exposer mon quotidien comme je le faisais… j’ai failli tout arrêter… une fois… un jour où j’ai cru comprendre que je délaissais ma vraie vie, mon entourage, pour assouvir un plaisir personnel bien insignifiant…

Pas si insignifiant… finalement…

J’ai eu de belles rencontres. Et j’en ai encore. Grâce à ce blog…

J’ai participé à de beaux projets. Grâce à des personnes qui sont allées me chercher dans ma tanière… j’ai reçu beaucoup d’amour… des liens se sont tissés… je ne pensais pas pouvoir être indulgente avec un ex-alcoolique. J’ai une intolérance innée pour la personne qui boit. Je la juge, je la fuis. Grâce à lui, l’image de mon père a changé. Je le remercie. Je sais qu’il me lit…

Par la suite, j’ai rencontré au hasard d’un commentaire une maman blogueuse française. Je ne lisais aucun blog féminin français basé sur la maternité. Sur celle de tous les jours, sans complication. J’étais axée sur ma sphère québécoise et sur les blogs traitant des mêmes pathologies que mes filles. Grâce à elle, je suis entrée dans une autre blogosphère… dynamique, vaste, chaleureuse…

La toile d’araignée a pris de l’ampleur…

Je me suis sentie débordée des fois. En proie à un malaise quand je voyais que je ne pouvais plus lire tout le monde de façon régulière.

Ils ne m’en ont pas voulu. Ils sont toujours là. Tous.

Je suis vraiment heureuse ce soir. Pas parce que ce classement va changer ma vie… Nan, pfff, voyons…. Ma vie ne changera jamais. J’ai fait la paix avec mes rêves de jeune fille. Je voulais juste en réaliser un : réussir ma vie d’adulte. Ma vie de maman. Etre celle que mon père ne voulait pas que je sois : une fille bien…

Ca, c’est ma victoire. Savoir que vous m’avez lue… nombreux apparemment. Et que vous n’avez pas fui celle que je suis. Que vous avez su m’aimer malgré les horreurs que je peux livrer ici…

Vous avez reconstruit une femme qui n’arrivait pas à s’aimer…

Je vous remercie tous infiniment.

Pour moi, ça ne change rien. Je continue sur ma lancée.

Je remercie la journaliste de Elle qui m’a envoyé un très gentil message.

Vers 17h, j’ai acheté Elle en sortant de ma formation. Je suis passée à la pharmacie après, ma dernière fille tousse. Il y avait la queue. Il fait très froid. J’ai ouvert le magazine, debout entre deux clients. Fébrile même. J’ai cherché. L’indice venait de chez mon amie Chocoladdict. J’ai eu du rouge sur mes joues. Puis la pharmacienne m’a demandé énergiquement « C’est à vous Madame M….!!! »… j’ai failli lâché mon précieux magazine, je l’ai ratrapé au vol…. je suis rentrée dans la nuit qui tombe… rêveuse au volant de ma voiture…

J’ai eu envie d’appeler ma maman. Comme une gamine qui lui ramène une bonne note. Elle n’a jamais lu mon blog. Elle sait que j’en ai un. Mais ma mère est hermétique à la technologie. Elle n’y comprend rien. Et puis si c’est pour raconter des choses qu’elle sait déjà, qu’elle veut oublier. A quoi bon.

J’ai commencé comme ça :

Moi : « Allo, boujou maman, ça va????  » (je suis normande. On dit boujou comme on dit bonjour… là-bas… au Havre)

Elle : « On fait aller… »

Après m’être inquiétée du peu d’enthousiasme dans sa voix, j’ai osé dire :

Moi : « Maman, tu sais je fais un blog depuis un an et demi…???…. je suis citée dans le magazine Elle cette semaine.  »

Ma mère ne lit que Femme Actuelle. Et encore, c’est pour le concours. Elle envoit sa carte postale de la plage du Havre avec la phrase mystère… chaque semaine.

Elle : « Ah, c’est bien… Dis-donc je t’ai dit que le mari de ta cousine avait perdu sa place chez Renault Sandouville????…. tu vois un peu, juste avant les fêtes, quelle tristesse… »

La vie continue. Celle où il se passe de vraies choses.

Ma mère l’a bien compris. Et du coup, moi aussi.

Mais je suis très heureuse tout de même… de ce qui m’arrive dans la fausse vie.

Merci…

Je vous embrasse tous très fort….