J’ai dit que j’en parlerais alors zouh, on y va.  Après je risque d’oublier. Ou de ne plus être dans l’ambiance. Donc de ne pas retranscrire ce que Tim Burton m’évoque… là, en moi.

J’ai découvert Tim Burton grâce à mon frangin. Vous le savez, j’ai un frangin fan de ciné. C’est un peu à cause de lui que je suis accro à mon écran. Il a toujours été un passionné. Il ramenait des films du vidéoclub tous les week-ends avec des étoiles plein les yeux. Quand nous étions ados.  Il a acheté très tôt des tas de magazines de ciné (le genre « ciné live » de l’époque) et il me montrait les photos, les making Off, les critiques, alors qu’on prenait un café ensemble… sur la table de salle familiale, au Havre. C’était un moment qu’on aimait bien, le café en tête à tête. J’étais encore lycéenne ou étudiante quand il commençait à être veilleur de nuit. Je rentrais manger le midi. Je réchauffais le repas et allait ouvrir sa porte vers 13h pour savoir si il voulait casser une petite croûte avec moi… il avait bosser la nuit mais détestait dormir trop. Mon frère a toujours dit que dormir était une perte de temps. Sur sa vie. Sur ce qu’il devait accomplir… mon frère se levait donc et nous mangions face à face avec un enthousiasme réciproque. On a toujours aimé ces moments de complicité fraternelle. Ca me manque des fois. Il vit loin et je ne le vois pas assez… des fois je regrette d’avoir quitté Paris à cause de lui. J’aimais le voir débarquer dans mon appartement du 12ème chaque jeudi après-midi… nous avions instauré ce jour comme visite hebdomadaire. Mon frère ne travaille pas les après-midis. Il en réservait toujours un pour sa frangine. On était toujours comme deux mômes…. contents de profiter d’un café alors que mes filles faisaient la sieste. Elle étaient hautes comme trois pommes. J’étais en congé parental… j’ai pas assez profité de tels moments simples mais précieux. Ils me manquent… on mettait une chaîne d’info-ciné où les bandes-annonces s’enchaînaient… on émettait nos avis. Il venait avec sa presse habituelle sous le bras, Première, Mad movies… on décortiquait les articles assis sur mon tapis de salon, la tête enfouie dans la poire sur laquelle les filles aiment tant plonger, la dépouillant de ses billes de polistirène… on avait l’impression de ratraper les années de perdues à ne rien se dire, à ne pas oser rire… quand notre père était là… on avait enfin la possibilité d’être les sales gamins qu’on n’avait jamais pu être… hilares pour un rien. Et dénués de toute peur.

Mon frère m’a donc initiée à Tim Burton. Quand ma mère s’est remise en couple avec mon papa/bis alors que j’avais onze ans, chacun a partagé ses meubles. Il a été décidé que le nouvel homme de la vie de ma maman quitterait son logement en location pour venir vivre chez nous. C’était pas un grand déracinement pour lui, il habitait l’immeuble d’en face. Ils s’étaient connus grâce à mon frère (ah celui-là, toujours bienfaiteur pour les autres, jamais pour lui). Mon frangin avait un ami de classe avec qui il s’entendait très bien. Cet ami avait donc un papa… veuf. Ce papa veuf avait su par son fils que la petite maman de Christian (mon frère) rentrait seule à pieds du boulot chaque soir. A 22h. Horaires d’aide soignante. Que cette maman n’avait pas le permis et avait peur d’apprendre à conduire. Qu’elle avait un ex-mari qui rôdait des fois sur le trajet qu’elle empruntait, et qu’il avait dernièrement essayé de lui foncer dessus avec la Simca que l’avocat du divorce lui avait gentiment laissé. Qu’elle avait dû s’acheter une bombe lacrymogène. Que c’était pas prudent et que cela ne le dérangeait pas, au papa veuf de l’ami de mon frère, d’aller chercher cette dame si courageuse… Ce fut la fin des angoisses pour mon frère et moi. Nous étions toujours inquiets si elle ne sonnait pas à l’interphone vers 22h30. On se disait que notre père avait dû se venger d’un 13 juin 1978. On n’arrivait pas à dormir. On a pu retrouvé le sommeil. Mais notre mère est rentrée tout de même plus tard que quand elle rentrait à pieds. Ils en avaient des choses à se dire dans l’espace réduit de cette voiture… mon frère m’a expliqué un soir que j’étais bien naïve. Je n’avais que onze ans. Je ne savais pas qu’on pouvait faire plein de choses dans une voiture.

J’ai dérayé. Encore. Plus ça va, plus je m’éloigne de Tim Burton….

Donc mon papa/bis est venu vivre avec nous et il a pris ses meubles avec lui. Y avait de l’électro-ménager aussi. Et surtout, un magnétoscope. Pour l’époque, c’était rare. Aucune de mes copines n’en avaient un. J’étais soudain la fille la plus convoitée du collège (par pour mes beaux yeux, mais pour les films qu’on louait!!!)… on a commencé par faire des séances vidéoclub à la maison. J’invitais mes copines, mon frère invitaient ses copains. Bien sûr, pas simple quand on a cinq années d’écart de satisfaire les goûts de tout le monde. Alors on faisait un roulement. Moi je prenais des trucs à l’eau de rose genre « Le lagon bleu » (rho allez, vous avez bien vu ce film avec Brooke Shields????) ou « E.T »…., mon frère tapait dans des genres moins soft comme « La colline a des yeux », « l’exorciste » ou « Poltergeist« … mes copines se cachaient alors derrière les coussins de notre canapé ou allaient dans le couloir pour ne pas voir… on était dingue. Ma mère travaillait le week-end et ne pouvait pas nous interdire de regarder l’insoutenable. Mon papa/bis bricolait ou allait dans les associations dont il faisait partie… bref on était libre… et on s’est fait de belles frayeurs… dont on parle encore quand on se retrouve entre anciens pôtes….

J’ai vu mon premier Tim Burton comme ça. Lors d’une séance vidéoclub dans notre salon. C’était « Beetlejuice« . Mon frère m’avait dit que c’était génial, que j’allais adoré. Ca n’a pas loupé. J’ai découvert un univers coloré et loufoque. Marrant. J’ai accroché. Ce n’était que le début….

Sont venus après les  « Batman », « Edward aux mains d’argent », « l’étrange Noël de Monsieur Jack »… Johnny Depp est devenu l’acteur fétiche et cela n’a pas été pour me déplaire. J’aime Johnny Depp.  Je n’ai pas accroché à Ed Wood et à Big fish. Mais cela mériterait une vision plus adulte. Une deuxième tentative. J’ai adoré Sleepy hallow, Charlie et la chocolaterie et Sweeney Todd… j’attends avec impatience Alice au pays des Merveilles…

J’aime cet univers gothique , barroque, imaginaire… je n’ai pas peur de ce que je vois parce que je sais que c’est tout sauf la réalité, que Tim Burton veut montrer. C’est son monde à lui. Et je me laisse porter. Volontiers.

J’ai contaminé Jenfi et Julie. Depuis longtemps. Zoé a pris le train en marche à partir de Charlie et la chocolaterie, comme Manon. Je ne leur ai pas montré Sweeney Todd, trop gore. Seule Julie l’a vu. Et elle a adoré.

Pour moi, regarder Edward alors qu’il fait un temps pourri dehors. Que le vent souffle et plie les arbres. Que c’est presque Noël. Que notre sapin clignote et que ça sent bon le chocolat chaud dans la maison et la clémentine fraîchement épluchée… c’est la magie de l’enfance. La féérie. C’est comme écouter ma mamie chanter Tino Rossy le 24décembre au soir alors qu’elle découpe des tranches de paté de lapin fait maison… c’est comme me promener devant les vitrines des Galeries Lafayette alors que Paris est glacial et qu’il faut se hisser sur la pointe des pieds pour voir un singe en peluche faire le zouave depuis une corde mécanique… c’est comme manger une barbe à papa à la Foire des Tuileries… c’est comme arpenter les Champs Elysées en plein mois de décembre alors que les illuminations de Noël scintillent de leurs mille feux, aggripées aux arbres, et que la Grande Roue tourne derrière un épais brouillard hivernal…

C’est ça Tim Burton.

La scène d’Edward aux mains d’argent que je préfère est celle où Winona Ryder et johnny Depp tournoyent sous des flocons de neige, les yeux rivés vers le ciel, essayant de toucher les cristaux qui volent au vent… au son d’une musique féérique et pénétrante…

C’est là qu’il faut être sur son canapé entouré de ses enfants avec un chocolat chaud à portée de main et une clémentine épluchée… j’ose pas vous dire qu’il faut la bougie posée sur la petite table du salon… ça coule de source..

J’ose pas vous dire qu’il faut le carré de chocolat aussi. Je frise la gourmandise.

Je pense que j’ai tout dit. Trop dit. Dit des choses qui n’avaient pas de rapport avec Tim.

Je pense que vous avez l’habitude.

Je pars de ce pas boire un thé chaud, avec mon homme et Julie. Les giboulées ont sévies toute la journée. Un ciel de traîne, vidé de toute nuage commence à pointer son nez. On entend le bruit des flaques s’écouler dans le caniveau, même les fenêtres fermées… j’ai allumé le sapin pour que l’atmosphère parraisse moins jaunâtre, apocalyptique…

C’est l’hiver.

Bon week-end à vous tous.