Il caille  à mort. Donc je suis de mauvaise humeur. Je déteste avoir froid. Je déteste mettre trois épaisseurs sur mon corps plein d’arthrose héréditaire. Je déteste emmitoufler les bébés que je garde pour aller chercher Zoé à l’école. C’est très pénible pour un bébé d’avoir un gros chapeau qui le grate, un manteau qui le boudine et des gants maintenus par une ficelle dans son dos… je pense que si on était à leur place (boudiné, le front qui grate et une ficelle en travers des reins), on n’aimerait pas non plus… Ce que j’aimerais surtout pas, c’est qu’on tente desespérément de récupérer ma menotte enfouie sous une épaisse manche d’anorak, sous un pull en laine et un sweet-shirt… ça fait mal. Très mal…. surtout quand on tire à mort sur le bout des doigts…

Donc je suis de mauvais poil. Il fait gris/blanc/brouillard dehors. Il faut allumer pour faire le moindre truc précis dans la maison. Je ne peux même pas aller à pieds à la boulangerie de peur de filer une bronchiolite au petit comme cadeau de Noël… donc je reste cloîtrée. Assise sur le sol à jouer avec lui. Il est adorable. Il tente de se lâcher de plus en plus. Il n’est pas loin du but…

Ce midi, je suis revenue de l’école avec une Zoé gonflée à bloc par le fait d’avoir eu un bonbon par son maître pour son bon travail (pfff, cette Zoé, toujours la première à avoir terminé ses exos…). J’ai sorti le plat fumant du four et on s’est attablé, tous les trois. Le gratin chaud a fait du bien. Je me suis sentie mieux, moins congelée. J’allais prendre une dernière bouchée quand le téléphone a sonné…

Il était midi trente.

Une voix masculine : « Allo???…

Moi, pas dupe : « Oui bonjour… »

La voix : « Oui bonjour, je suis bien chez Madame M???…

Moi, résignée : « Oui…. »

La voix : « Enchantée madame, laissez-moi me présenter, Monsieur Trucmuche de la Société d’assurances Y…. »

J’ai pas écouté la suite. Le détaillé des produits, la promo qu’on m’offrait si je souscrivais de suite… rien. J’avais un bébé en train de mordiller un boudoir sur sa chaise haute et une fillette qui filait en douce le reste de son assiette au chien. J’avais des chats à fouetter.

Moi : « Ca ne m’intéresse pas, merci quand même. Au revoir. »

Paf. Fin de la conversation.

J’ai fini mon repas. Rangé. J’ai mis Bébé Titi dans son parc où il fût ravi de pouvoir jouer et pousser en toute autonomie dans sa couche. Zoé a pris une barre Kinder dans le frigo et est montée dans sa chambre en me criant un « Je t’aime Môman!!! »… j’allais mettre ma dernière assiette au lave-vaisselle quand le téléphone a sonné.

J’ai décroché.

Une boîte vocale a commencé par me dire d’attendre. Bien sûr… ça tombait bien, je n’avais que ça à faire. C’est classique d’une boîte de sondage ou de pub.

J’ai raccroché avant même qu’une vraie voix me propose un truc formidable rien que pour moi. Comme la veille, où j’avais soit-disant gagné un frigo américain d’une valeur de 1500 euros. Mouais, j’suis pas complètement courge. Aucune boîte n’a intérêt à m’offrir un pareil cadeau juste parce qu’elle m’a tirée au sort, dans un fichier quelconque. Je ne crois pas à tout ça. Je suis méfiante. Très méfiante.

Je finissais de changer la couche fourrée de Bébé Titi quand le téléphone a encore sonné. Misère. J’ai posé le petit coeur à mes pieds, tout en prenant le combiné et en le suivant pas à pas…

Il va partout à 4 pattes. Je piste. Je ne suis jamais loin. Juste là, à quelques centimètres.

Moi : « Oui allo????? »

Une voix avec accent : « Bonjour Madame M???? »

Moi, encore resignée : « Oui c’est bien moi… »

La voix avec accent a paru soulagée et a commencé un long speech…. sur une offre santé en balnéo, que j’avais gagné, patati patata… bref le pied quoi. sauf que j’y croyais pas une seconde, et qu’en plus ça c’est mal terminé.

La voix avec accent : « Vous êtes bien retraitée madame M????? »

Moi, sous le choc : « Euh non… pas vraiment, j’ai 39 ans… »

La voix avec accent, plus aussi aimable que deux secondes plus tôt : « Ah désolé, Madame M, c’est une erreur de fichier, cette offre ne vous est pas destinée, au revoir. »

Si cette voix avec accent m’avait écoutée si ce n’est qu’une seconde, au lieu de m’énumérer tous les soins à la gomme que l’institut Machinchose comptait m’offrir, elle aurait pu constater que j’avais une voix jeune et limpide (non???)…

Encore une minute de perdue pour rien.

Ca faisait trois appels en une heure. Ras-le-bol. Tous les midis c’est la même chose. Les sondages et boîtes de vente par correspondance traquent Bobonne. Celle qui est là entre midi et deux, avec ses enfants. J’en ai marre.

Y a des jours où je le prends bien, d’autres non.

Cinq minutes avant d’habiller Bébé Titi et de dire à Zoé de faire pipi avant de partir, le téléphone re-sonne.

J’ai râlé toute seule, en implorant un répondeur qui laisse parler les gens sans que je décroche et me permette de filtrer. Je sais c’est pas sympa de filtrer mais moi je n’ai pas que ça à faire. Je ne peux pas débrancher mon téléphone. On doit pouvoir me joindre facilement. L’école de mes filles, les parents des loulous que je garde, mon homme… ma maman…

Je cherche une solution…

J’ai décroché, énervée.

J’avais des « Grrrr » dans la voix.

Moi : « ALLO!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »

Une petite voix masculine : « Euh bonjour, la société I, pourrais-je parler à Monsieur M s’il vous plaît????? »

J’ai vu rouge. Encore une société, et en plus on me dégageait.

Moi, pas aimable : « IL EST PAS LA. QUE LUI VOULEZ-VOUS??????!!!!!!!! »

La voix masculine encore plus petite : « Je suis le monsieur qui doit venir lui installer son appareil pour l’apnée du sommeil…..??????? »

Je suis devenue rouge comme une tomate, confuse. Quelle bourrique je suis. J’aurais dû m’en douter. J’avais eu mon quotat de pubs et sondages. Là, j’avais fait une boulette en hurlant sur ce pauvre gars.

Moi, mielleuse : « Oh, oui, bien sur, excusez-moi…. »

Le Monsieur va passer, pas rancunier du tout.

Je devrais savoir que quand je m’énerve, c’est jamais quand et comme il faut.

Mais j’en ai franchement marre qu’on me dérange sans cesse au téléphone. Je suis à la maison la plupart du temps. Je n’ose pas vous dire le nombre de démarchage téléphonique ou sous forme de porte à porte que je reçois.

J’en arrive à être une vraie mordeuse.

Pourtant c’est pas mon style du tout, croyez-moi. Je suis plutôt gentille comme fille. Même un peu poire. Il fut un temps où j’avais une dizaine de calendriers dans mon tiroir, chaque fin décembre… flambant neufs pour la nouvelle année…

La Poste, les Pompiers, les éboueurs, le Secours populaire, l’artiste aveugle du coin… bref, j’avais tout.

Là, j’en ai que deux, ouf.

Bon allez j’y vais. le téléphone sonne. C’est reparti…

Zen, je suis zen.