Il approche et il stresse ma blondinette de troisième. Pourtant, je ne me souviens pas trop si ce brevet avait suscité de la panique en moi… Le brevet, le vrai pas le blanc, je me rappelle juste que c’était en juin, qu’il faisait beau et chaud… que nous étions tous entassés dans le réfectoire du collège, là où on faisait nos perms d’habitude… avec pour consigne de laisser un siège libre sur deux… que c’était un survol des connaissances acquises avec le temps… et que finalement, ça n’avait été qu’une formalité…

Julie dit qu’on n’est plus à mon époque, ni celle de son père. Que tout a changé. Déjà moi je dis BEPC, elle appelle cela le Brevet des collèges.
Ca prouve bien que tout a changé…

Nous étions à table hier soir, quand tout cela a commencé… cette angoisse à l’idée que ça approche… Julie n’était pas joyeuse comme d’habitude, bien avant qu’on passe à table. Elle m’avait jeté en douce qu’elle comptait réviser à mort le week-end de mi-mars… pour être prête… que son Jo ne viendrait pas passer le dimanche après-midi à la maison, comme il le fait souvent… j’avais dit oui de la tête. Je rentrais de Jardiland avec mon homme et Zoé… il était 19h. Mon seul souci était de mettre la quiche au four et de faire ma vinaigrette pour la salade… j’ai zappé le problème. Elle est remontée dans sa chambre. Et moi j’ai rien trouvé de mieux à lui dire que « Tu sais Julie, c’est pas le week-end qui précède le brevet qu’il faut se mettre à bûcher. »

J’aime mon tact et ma diplomatie. Quelle bonne mère.

Je pensais à autre chose en fait. Nous avions flâné dans Jardiland depuis la sortie d’école de Zoé, soit depuis 17h30 environ. Il faisait beau, une fraîcheur lumineuse qui laissait présager que l’humidité arrivait… qu’il fallait en profiter. Nous avons eu quelques journées printannières pendant la dernière semaine  des vacances scolaires. Un vrai régal. Samedi dernier, nous avons passé la matinée à la piscine municipale, déplorant la fraîcheur inhabituelle du petit bassin où j’aime me réchauffer d’ordinaire… après quelques longueurs dans la froideur du grand bassin… généralement, pendant ce temps où je me réchauffe dans le petit bassin, je végète adossée au mur, juste la tête hors de l’eau… Zoé fait la planche quinze fois devant moi. Manon met ses lunettes de plongée et tente de trouver je-ne-sais-quoi sous l’eau… imperturbable… et Julie se colle à moi, pour jacasser… 
Jenfi fait rigoler la galerie, en faisant la baleine. Comme d’hab.
En rentrant, nous avons mangé vite fait mon gratin de macaroni à la bolognèse, et j’ai étendu les serviettes de bains et maillots, tout juste sortis de la machine à laver…  il faisait une douce chaleur sur la terrasse. Il fallait plisser les yeux pour voir quelque chose. Ca sentait bon la terre sèche et les jonquilles… j’ai fait le tour de mon rikiki jardin.

C’est là que j’ai vu que la canisse avait franchement pris un coup dans le nez avec la tempête. Que ça faisait négligé.

Ceci explique notre sortie d’hier soir à Jardiland pour racheter de la brande. Et regarder… partout… ce qui se fait de joli…  C’est fou comme un rayon de soleil peut provoquer des pulsions acheteuses en matière floral… si je m’étais écoutée, j’aurais déjà mis des géraniums. N’importe quoi. Et si je m’étais écoutée, j’aurais viré mon salon de jardin en plastique vert pour un en fer forgé. Encore plus n’importe quoi…

Donc je suis rentrée, rêveuse. Frustrée. Je pense que je ne suis pas la seule à me faire « mal » dans les magasins. Enfin je l’espère?

Par chance, je suis plutôt raisonnable et consciente d’avoir un budget serré. D’avoir surtout des priorités en fait. Notamment une : bouffer….

Bon revenons à Julie. Ce billet va finir par être axé sur le jardinage et ma folie compulsive si je continue… hors-sujet garanti…

La quiche a fini par cuire. On s’est attablé, tous les cinq, vers 19h40… (je le sais car j’ai regardé la pendule, histoire de voir si j’allais louper le Grand Journal…)… Mouais, je l’ai loupé…

C’était sans prévoir la grosse discussion qui a suivi entre Julie, Jenfi et moi….

Julie a commencé par nous reparler de son week-end de révision. Et comme j’enfonce souvent le clou, histoire de charger la bourrique, j’ai redit « Mais tu vas pas passer ton dimanche entier dans les révisions, Julie, c’est ridicule… c’était avant qu’il fallait t’avancer… « … Jenfi m’a regardée avec un air niais qui voulait dire « Sympa la mère!!! »…. et il a enchaîné pour la rassurer en lui disant que Jo pourrait venir quand même… histoire de décompresser avant le lundi d’épreuves… Jenfi n’a jamais eu besoin de bosser de sa vie, je parle scolairement. Il vivait sur ses acquis, ne forçait jamais. Et a pu être excellent tout le temps ou presque… le truc écoeurant quoi… surtout pour quelqu’un comme moi qui passais son temps à faire des fiches de ses leçons pour les apprendre visuellement… ou qui s’enregistrais vocalement pour s’écouter au walkman le soir, pour que ça rentre…

Il ne peut pas comprendre.

Zoé et Manon ont vu le vent venir. Elles ont mangé en vitesse et sont montées se mettre en pyj et se regarder un truc avant de dormir… sûrement un énième épisode de Retour vers le Futur… qu’elles connaissent par coeur… mais c’est culte à la maison…

Julie avait visiblement son « sac à vider »… elle s’est lâché. Alors qu’on attaquait notre fromage blanc… avec du miel…

Julie : « De toute façon vous n’allez pas être contents de moi… j’ai foiré mon trimestre…. »

Moi, lui coupant la chique : « Comment ça foirer??? Tu m’as dit en janvier que tes notes remontaient en maths… que t’avais fait des efforts en hist-géo… bref que ça allait mieux??? Je comprends pas là? »

Jenfi sentant la panique maternelle monter : « Bon Julie, ça veut dire quoi foirer??? Explique-nous ce qui se passe? »

Julie, qui se met à chialer : « Bah foirer quoi… j’ai pas progressé, je suis même pire qu’avant. Et même dans mes matières de tête comme le français et les langues, j’ai baissé à cause de l’oral… je comprends pas, je suis nulle. Je vois que ça! »

Jenfi et moi avons échangé un regard apaisé. Julie avait de grosses larmes qui coulaient sur ses joues. Elle ne mangeait plus et s’énervait sur sa serviette de table, en boule, dans sa main droite… elle a même failli se moucher dedans, tant elle se sentait submergée… à côté de ses pompes…

Moi, tout doucement : « Julie, tu sais que pour nous les notes ça ne veut rien dire… enfin je veux dire on t’a toujours dit que tu ne devais pas avoir que ça en tête. Te focaliser là-dessus… travailler pour ça… »

Jenfi, avec une voix posée : « J’m’en fous des notes, Julie. Je veux juste savoir si tes notes ont baissé parce que tu ne bosses pas assez ou parce que tu ne comprends rien????… »

Sanglots. Silence.

Moi : « C’est toujours les maths, Hist-géo, SVT et physiques qui clochent??? »

Julie, reniflante : « Oui… enfin les maths, y a des trucs que je commence à comprendre. J’ai même eu 19 en devoir à la maison… Mais bon elle dit quand même que je suis nulle, la prof. Tous disent que je ne participe pas, que je ne cherche pas à m’améliorer… c’est faux. Je travaille, mais ça paye pas… je me prends des tôles quand même… »

Moi, sentant la génétique parler : « Si ça peut te rassurer, j’étais archi-nulle en maths, hist-géo et physiques, ma Julie… j’en suis pas morte et j’ai même fait deux ans après le bac et eu un concours administratif, chose complètement inespérée… »

Jenfi, me sautant sur le poil : « Ouais mais tu cherchais pas à comprendre je te connais, j’étais en classe avec toi!!!! Du jour où j’ai mis mon nez dedans, avec toi, à la fac, tu t’es pris des super notes alors dis-pas que c’est pas grave!!! »

Moi, sur mes grands chevaux : « Quoi???? Moi je cherchais pas à comprendre!!! T’es gonflé, j’ai toujours mis plus le nez dans mes bouquins que toi!!!!…  »

Jenfi, sûr de lui : « Mais moi le cours me suffisait à lui seul, j’écoutais!!! Quand je rentrais chez moi, j’avais compris. Pas la peine de remettre le nez dedans… »

Veinard. Il écoutait!!!??? Non mais je rêve. J’étais en classe avec lui. Il passait son temps au premier rang sous le nez de la prof car sinon il mettait trop le bordel. Il passait son temps adossé au mur, assis de côté, au premier rang contre la fenêtre… à regarder vers nous. Il parlait fort, il a mué très tôt. La prof lui donnait des fois des coups de cahier sur la tête, pour le faire taire. Car il perturbait tout le monde malgré le fait qu’il savait toutes les réponses… il prenait déjà tout à la dérision. Imitait les voix des pions pour nous faire rire, même en classe. Se prenait d’ailleurs des heures de colle pour ça… Sinon il était estimé de la directrice, qui l’avait pris comme porte-parole pour organiser la classe de neige à Valloire. Il était délégué de classe, chaque année. Il était au dessus de beaucoup d’entre-nous, dans ce collège de quartier populaire… je n’ai jamais compris pourquoi il s’est intéressé à moi, autant. J’étais une élève éffacée et moyenne. J’avais de grosses lacunes de culture générale (je les ai encore)… j’avais une petite voix calme et passais inaperçue. Lui parlait fort et était toujours sur le devant de la scène.

Moi, remontée contre Jenfi : « Et pis franchement, chercher à comprendre en Physiques, tu peux me dire à quoi ça sert, hein???? Des éprouvettes à la con qui puent, des piles carrées sur lesquelles on branche des machins pour dire youpi ça s’allume… palpitant!!!! »

Lui, scientifique de malheur : « Mais c’est ça qu’est bien justement!!!!! Tu t’intéresses jamais au pourquoi du comment… toi, faut que ça marche, point. Moi je cherche à comprendre comment ça marche… c’est toute la différence entre toi et moi, Véro!!! »

Hum, pas sûr que ce soit l’unique différence, mais bon. Passons…

Julie, requinquée : « Moi j’suis d’accord avec maman, je vois pas ce que la Physique va m’apporter pour ma vie future…  »

Moi, toujours bornée : « A rien. »

Jenfi, éclaté de rire : « N’importe quoi. Vous êtes deux contre moi alors là je vais en prendre plein la tronche… »

Julie et moi : « Pas du tout… »

Bon c’était un peu vrai, on s’amusait à l’enfoncer. On aime bien le faire suer le pépère Jenfi. C’est le privilège d’être entre nanas et de l’avoir comme seul mec à la maison. On le vanne, on le fait tourner en bourrique…

On le chouchoute aussi.

J’ai commencé à remplir le lave-vaisselle. Julie était debout contre la table, une pomme Pink Lady à la main… en train de caresser la joue de son père pour qu’il lui épluche…

Lui, qui veut toujours avoir le dernier mot : « Non mais Véro, reconnais que si t’avais voulu, t’aurais compris… même en hist-géo, j’ai jamais compris que tu repiques ta première à cause de cette matière… avoue que tu ne fichais rien?! »

Moi, le nez dans mes couverts sales : « Pas du tout, j’aprenais tout par coeur, comme une malade. J’étais épuisée…. une vraie corvée. Je rendais mon devoir, sûre d’avoir au moins donné la réponse dans le paquet indigeste de mots que j’avais mis sur ma copie double… j’espérais que le prof ferait le tri… »

Lui, mort de rire : « Mais c’est pas ça qu’on te demandait!!!! Aprendre par coeur en hist-géo, ça servait à rien!!!! »

J’ai fermé la porte de mon lave-vaisselle en la claquant avec mon derrière : « Ah bon? Bah ravie de le savoir… des heures de bourrage de crâne pour rien, sur mon lit, le samedi après-midi… à compter le nombre de feuilles restantes de ma leçon à ingurgiter… en plus je revenais toujours de mon cours de danse vers 17h et j’aprenais jusqu’à 20h, exténuée… un vrai calvaire… »

Je faisais pas mal de danse pendant mes années lycées. Le mardi soir, le jeudi soir et le samedi après-midi. Une jeune chorégraphe (dont j’ai oublié le nom) venait de Paris chaque samedi, payée par mon école de danse, pour nous apprendre uan variation. J’étais dans une école de danse formidable, familiale. Je faisais du modern-jazz. Le classique, j’avais abandonné. Trop chiant. J’aimais le contemporain aussi. Je faisais des stages des fois, avec des chorégraphes venus de je-ne-sais-où invités par ma prof de danse habituelle. C’était cool. J’adorais ça. Ca me déchargeait beaucoup de stress, d’anxiété. Même si je ne me lâchais pas assez, selon cette chorégraphe parisienne qui venait tous les samedis… j’en ai bavé avec elle. Elle n’était jamais contente. Mais en y repensant, j’avais pas la maturité pour comprendre que si elle était si dure avec moi, c’était finalement parce que j’avais du potentiel. Un potentiel que j’ignorais. Elle me l’a avoué quand j’ai tout plaqué, après mon bac…

En même temps, j’ai toujours fait de la danse parce que j’aimais ça. Pas pour en faire une carrière. J’étais une fille souple, donc ça en jetait. Mais c’était tout.

Une de mes amies, rencontrée l’année de mes douze ans, devant un miroir, la gambette posée sur la barre fixe, en a fait son métier. Elle est prof au conservatoire de Bruxelles. C’est elle que je suis allée voir en 2005 en Belgique… elle était/est vraiment douée. Magnifique. Quand je me suis inscrite dans mon école de danse, encore sous le choc de Flashdance, c’est elle qui faisait le cours, tout juste agée de treize ans. Elle était grande, élancée, rousse… elle ne ressemblait à personne. Elle était captivante. Quand elle dansait, j’oubliais tout. Je la dévorais des yeux. Elle en riait beaucoup, me tapait sur le cul et me disait « Allez, à ton tour ma Véro, bosse!!! »… j’ai bossé pour elle. Pour la cotoyer. Et pour me surpasser. J’ai suivi des tas de stages de danse avec elle. Notamment un sur deux jours avec le chorégraphe Serge Alzetta. C’était dur, j’avais une trouille pas possible de l’autorité de ce type, mais elle était à côté de moi, alors j’étais rassurée. Les yeux étaient rivés sur elle, pas sur moi. Ce chorégraphe l’a remarquée de suite. Il lui a proposé de l’inscrire dans son école à lui, à Nice. De la former, de la mettre dans sa troupe de danseurs et danseuses. Elle est partie un an après…

Elle a fait partie de sa troupe, elle a même été mannequin un peu, là-bas, à ses heures perdues. Elle a rencontré l’homme de sa vie comme ça, en défilant dans un club… il était chef de rang. Italien. Beau comme un Dieu, comme elle.

Ils forment aujourd’hui un couple solide et uni, avec deux enfants.

Ca fait trop longtemps que je ne l’ai pas appelée. Je suis impardonnable. Je sais que ça ne compte pas pour elle, les années qui passent sans nouvelles. J’ai déjà été silencieuse, revenant un beau jour, au bout du fil…

Les copines sont vraiment patientes avec moi. Et sans rancune.

Elles savent que si je bouge beaucoup, c’est à cause des mutations de mon homme. Elles me pardonnent.

Bon revenons à Julie, à ses notes pourries et à mon faible niveau en hist-géo. Oui, j’ai redoublé ma première à cause de cette matière. J’étais nulle. Je faisais de la prose, je partais en vrille, à chacun de mes devoirs en classe… le prof me rendait ma copie avec un air blasé et me disait « C’est très beau, mais c’est pas ce que je vous demande : 4/20)… et je n’ai jamais su ce qu’il attendait de moi. Même après les corrections que je recopiais lentement, je ne comprenais pas ce qu’il fallait faire. Dépitée.

Un vrai cas desespéré.

Julie doit tenir de moi. Même raisonnement, même blocage. Pas cool comme héritage…

Julie a essayé de s’accrocher pourtant, ce trimestre. J’en ai été témoin. Elle a laissé tomber un peu Laeti, sa meilleure amie…. trop empêtrée dans ses histoires familiales. Trop habituée à ce que Julie la remonte, la cajole… Julie ne rechignait pas à le faire, mais commençait à s’essoufler. A se sentir tirée par le bas. Moi-même je lui disais qu’il fallait qu’elle pense à elle. Que Laeti était une jeune fille sérieuse mais un peu ébranlée en ce moment par la fracture familiale qui la touchait… un peu noyée, livrée à elle-même… je lui ai dit de veiller sur son amie mais de ne pas plonger aussi…

Et puis il y a Jo, son petit copain, qui a pris beaucoup de place dans sa vie.

Julie a vraiment tenté de gérer école-petit copain et loisirs en même temps. En équilibrant. Pas facile. J’ai aidé, enfin j’ai essayé. Car j’avoue que je ne mets plus beaucoup mon nez dans son suivi scolaire. Elle ne le souhaite pas vraiment. J’ai surtout surveillé sa santé mentale de jeune fille amoureuse… veillant à savoir si c’était juste une amourette qui allait lui briser le coeur… ou un lien plus sérieux… moins futile… je sais qu’elle est sensible, et qu’à cet âge, un flirt cassé, ça peut avoir de grosses retombées.

C’est un lien « sérieux ». Ca fait cinq mois que ça dure.

Elle a gardé ses loisirs, ciné, lecture, ordi, piscine… elle a même voulu s’intégrer à la bande des premiers de sa classe, pour aller de l’avant… se motiver… et montrer qu’elle avait été influençable et bête au moment des manifestations contre Darcos. L’engouement pour Twilight a bien aidé, les leaders scolaires étaient fans. Elle est revenue à la maison un jour de janvier en me demandant si elle pouvait aller au ciné avec cette bande, un après-midi de grève de l’éducation nationale… J’ai dit ok. Un peu curieuse de voir qu’elle avait de nouveaux amis(ies)… le rendez-vous était fixé au Mac Do de la zone commerciale où se trouve le complexe CGR. Je l’ai amenée, sous une pluie battante… c’était juste après le week-end de la tempête. Il faisait encore très moche. Une fois au Mac Do, je lui ai dit :

Moi : « Bah ils sont où??? »

Julie, en train de sortir de la voiture : « Ils sont dans l’hypermarché. Ils sont là depuis une heure… je voulais pas y aller avec eux. J’avais rien à acheter. T’en fais pas, j’ai mon portable au cas où… ils vont arriver… »

J’ai dit ok et je suis repartie à la maison, confiante. Elle ne m’avait pas parlé de cette virée dans le Carrefour avant le Mac Do et la séance de 14h. Bizarre. Elle voulait pourtant s’acheter le tome « hésitation », de Stephenie Meyer….

Julie est rentrée avec l’un des parents d’une fille du groupe, vers 17h. Je m’attendais à un énième engouement autour de Twilight, de l’ambiance trop géniale de ce film… à une discussion mère/fille autour d’un coca devant MTV… il n’en fut rien. Elle était tristounette fatiguée. Et elle a commencé par me dire, vite :

Julie : « Si je sens la cigarette, c’est pas moi maman… certains du groupe fument… »

Moi, pas soupçonneuse du tout : « Ok, je comptais pas douter de toi. Si tu veux fumer, j’aimerais autant que tu me le dises et le fasses devant moi…

Julie, agacée : « Mais moman, tu sais bien que ça m’attire pas du tout de fumer!!!… je te le dis parce que tu vas forçément remarquer l’odeur vu que personne ne fume chez nous… »

J’ai laissé ma fille s’asseoir en face de moi. Je repassais sur ma table de salon…

Moi, pour meubler la conversation : « Alors, c’était chouette ta sortie??? »

Julie, morose : « Ouais bof… »

Moi, surprise : « Ah bon??? T’as pas l’air contente… pourtant c’était Twilight… tu étais si demandeuse de le revoir… »

Julie, en train de décapsuler un pepsi-max : « Oui mais j’ai été perturbée… j’ai pas pu l’apprécier le film. La bande faisait du bruit, parlait pendant tout le film… c’était gênant… »

Moi, pas finos : « Bah ils sont bêtes ou quoi!!! Ca a dû gêner les autres personnes de la salle??? Vous vous êtes faits remarquer??? »

J’ai toujours un problème avec le manque de respect, le trouble social.

Julie : « Bah moi je me suis assise derrière eux du coup, toute seule… »

Moi : ?????

Julie : « Faut que je te dise un truc qui va pas te plaire maman… tu sais, en fait, leur virée à Carrefour, c’était pour acheter de la vodka… ils sont arrivés chez Mac Do avec… ils en ont versés dans leur gobelet, en douce… dans le jus d’orange. Ils ont transvasé dans une bouteille en plastique, toujours en douce. Comme ça, ça passait pour de l’eau… »

Moi, verte, pâle… j’ai débranché mon fer à repasser pour écouter.

Julie, monocorde : « Ils m’en ont proposé. J’ai dit non… ça a commencé à les faire râler. Ils ont dit que j’étais une péteuse… j’ai pas voulu fumer non plus… bref, j’en ai pris plein la tronche… J’étais la seule à refuser… »

J’ai senti qu’elle était fatiguée et déçue. Je l’ai félicitée… rassurée. J’ai compris que j’avais voulu la détourner de sa meilleure amie et de sa bande habituelle, à tort… parce que j’avais cru que c’était un mauvais groupe, suite à la virée avec eux dans Bordeaux pour la manif contre Darcos. Je suis tombée de haut. J’étais loin de penser que les premiers de la classe, si adulés au collège, se bourraient la gueule en cachette. Julie était dupe aussi. Et m’a dit qu’elle ne voulait plus les cotoyer.

Elle a retrouvé sa meilleure amie. Son groupe. Plus grunge, plus moyen. Mais sobre.

La bouteille de Vodka a été sifflée. Ils ont même regretté de ne pas en avoir pris deux, selon Julie… en fait, ça avait été toute une stratégie pour bluffer la caissière en lui parlant de ciné et choses diverses… vu qu’ils sont mineurs. Julie m’a dit qu’ils s’étaient vantés au Mac Do d’avoir réussi leur coup… elle avait failli m’appeler pour revenir à la maison, déjà bien déçue. Mais c’était pour Twilight qu’elle était restée…

Ma fille n’est pas une première de la classe. C’est une élève moyenne, sérieuse, discrète. Moins performante que ses soeurs, selon elle. Mais ça c’est elle qui le dit. Pas Jenfi, pas moi.

Et puis on ne veut pas comparer. Chacune doit tracer sa route.

Julie m’a dit qu’une des profs lui avait dit de prendre exemple sur untel…

Untel était au ciné avec Julie, se bourre la gueule à ses heures perdues mais ramène un 15 de moyenne générale ce trimestre.

Pas Julie, c’est sûr. Si elle a douze, ce sera déjà merveilleux.

Je lui ai dit avant de m’affaler hier soir devant la Nouvelle Star, que ça ne servait à rien d’avoir quinze de moyenne générale à quinze ans si c’était pour finir alcoolique à vingt ans…

Que je préférais une fille sobre et moyenne. Qui a la tête sur les épaules.

Bien sûr, j’aimerais bien qu’elle passe aisément en seconde. Je sais que le Lycée, c’est une étape difficile.

Mais bon, je suis confiante.

Pour moi, une mauvaise note est moins grave qu’un verre de vodka.

Je me trompe peut-être… je ne suis pas très tolérante face à l’alcool.

Mais bon. Je n’y peux rien.

Sur ce billet long et dispersé,  je vous laisse enfin. Vous devez regretter mes dix jours de silence radio…???

Ah oui!!  je voulais juste avoir une pensée pour une amie qui passe sur le billard aujourd’hui… et qui passe me lire des fois. Bon rétablissement!!!…